« Messieurs les censeurs, bonsoir ! ». En quittant le plateau de l’ORTF excédé, ce 13 décembre 1971, Maurice Clavel ne savait pas encore qu’il entrerait dans la légende du petit écran et que son éclat serait téléchargé par des milliers d’internautes nostalgiques...
En effet, depuis le début du mois de mai, l’institut national de l’audiovisuel (INA), en charge du patrimoine audiovisuel de la radio et de la télévision depuis 1975, mais également du dépôt légal de l’audiovisuel depuis 1995, propose aux internautes de consulter, gratuitement ou à bas prix, une grande partie du patrimoine audiovisuel français. Désormais, 10000 heures de programmes, soit environ 100000 émissions, sont disponibles sur l’internet (feuilletons, séries, grands entretiens, journaux télévisés, émissions culturelles ou d’information...).
I/ La mise à disposition des archives audiovisuelles
La constitution d’une « mémoire de l’audiovisuel en ligne » suppose deux actions complémentaires. D’une part, elle nécessite la numérisation du patrimoine audiovisuel sur support électronique et d’autre part, une diffusion des contenus numérisés sur l’internet.
Le projet « PrestoSpace » est à l’origine de la numérisation des archives audiovisuelles. Organisé dans le cadre du 6ème programme pour la recherche et le développement technologique (FP6, priorité n°2) de la Commission européenne et coordonné par l’INA, le projet portait sur la « sauvegarde et la numérisation des archives audiovisuelles ». A ce titre, quatre domaines de recherche ont été distingués, à savoir « la sauvegarde, la restauration, le stockage et management des archives et enfin les métadonnées et systèmes d’accès et de livraison » (pour plus de détails, voir Chenot J.H., « Le projet PrestoSpace », Culture et recherche n°105, avril-juin 2005, p.8). Cette première phase technique a abouti à la numérisation de 200 000 heures d’archives.
Le projet PACE (Publication Automatique d’une Collection d’Emissions) est, quant à lui, à l’origine de la diffusion du contenu numérisé sur l’internet. Dans le cadre du programme de recherche FERIA, financé par le réseau RIAM, PACE a permis de développer des outils de navigation à l’intérieur des collections permettant au grand public d’y retrouver des passages d’émissions en naviguant de « proche en proche » (Voir Brunie V., « Vers une mise en ligne (intégrale ?) des archives de la télévision : le projet PACE », Culture et recherche n°105, p.12). Ainsi, l’application de ce projet permet désormais aux internautes de se déplacer facilement sur le site de l’INA et d’y trouver rapidement le document recherché.
Par ailleurs, le site « ina.fr » précise que la mise en ligne des archives audiovisuelles est respectueuse des auteurs et des ayants droit. Dans ce sens, deux systèmes de protection des fichiers ont été développés sur le site. D’une part, le « tatouage Philips », invisible, est mis sur le flux vidéo et permet d’identifier l’utilisateur à l’origine de l’achat du document. D’autre part, le « cryptage », une fois associé à un code identifiant unique, permet la visualisation du programme seulement par l’utilisateur qui a acheté le fichier.
S’agissant de la répartition des droits générés par l’achat d’extraits, l’INA a également précisé, que 46% sont reversés aux ayants droit, 32% sont réinvestis dans la numérisation, la sauvegarde et la valorisation du patrimoine audiovisuel et que 22% couvrent les frais financiers (TVA, taxes et transactions en ligne).
II/ La mise à disposition de contenus culturels en ligne.
Outre la mise en ligne des archives audiovisuelles, il semblerait que la tendance soit à la mise à disposition de produits culturels numérisés sur l’internet. Suite aux affirmations de Jean Noël Jeanneney relatives au projet de « Google print », de mettre en ligne une grande partie du patrimoine littéraire, le ministre français de la culture a annoncé un important projet de bibliothèque numérique européenne (voir l’article portant sur « Quand Google défi l’Europe »). Cette bibliothèque initiée par les différents Etats membres et coordonnée par l’Union européenne est en passe de diffuser un grand nombre d’œuvres littéraires numérisées sur l’internet, notamment par l’intermédiaire de programmes européens tels que « i2010 : Bibliothèque numérique » et par le financement des programmes communautaires « Culture2007 » et « e.contentplus ».
La mise à disposition des archives audiovisuelles par l’INA, adjoint au projet de bibliothèque numérique, contribue à la diffusion de contenus culturels français et européens sur l’internet. Les programmes audiovisuels sont diffusés en français sur le site de l’INA et les œuvres littéraires seront diffusées dans la langue du pays à l’origine de la mise en ligne et traduits dans différentes langues de l’Union.
La multiplication de ce genre d’initiatives renforce ainsi le plurilinguisme dans la société de l’information et assure, plus particulièrement, la visibilité et la promotion des contenus francophones sur l’internet.