Les décisions de justice seront rendues entre X sur l’internet.
La publicité des audiences est justifiée par la sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Ce sont ces mêmes principes qui justifient la publicité donnée aux décisions de justice. Pendant longtemps, ces décisions, publiées nominativement n’étaient accessibles qu’aux parties concernées et aux professionnels du droit qui n’y recherchaient qu’un intérêt scientifique. Avec l’avènement de l’informatique, ont été créées des banques de données jurisprudentielles. De telles banques de données permettent la recherche de décisions de justice à partir du nom des parties, et non pas seulement du point de droit tranché par l’affaire. Dans un premier temps, leur caractère payant ne les ont rendu accessibles qu’aux professionnels mais on dépassait déjà le cadre des seules professions juridiques. Ainsi, les sociétés de recrutement pouvaient s’abonner à une banque de données de jurisprudence sociale et rechercher si certaines personnes n’avaient pas précédemment été partie à un litige avec leur employeur… Dans les années 80, La CNIL avait été alertée de l’existence de telles pratiques.
Aujourd’hui, avec l’ouverture du réseau internet au public quiconque peut obtenir la communication de telles données à partir d’un nom tapé sur un moteur de recherche. La recherche est plus simple, plus rapide, peu coûteuse voire gratuite et accessible à un bien plus grand nombre de personnes. En outre, ces informations peuvent apparaître sur l’écran alors même qu’elles ne constituaient pas précisément l’objet de la recherche.
Un tel accès dépasse donc très largement la publicité prévue par le principe de publicité des audiences. Les données peuvent être collectées par des entreprises constituant des gigabases de donnés personnelles aux fins d’être exploitées et vendues, or les décisions de justice peuvent laisser transparaître des données sensibles sur les parties (religion, opinions politiques, appartenances syndicales…). De plus certaines condamnations peuvent faire l’objet d’un recours et être réformées voire amnistiées mais rien ne garanti que les personnes qui auront téléchargé ces décisions prendront garde à actualiser leur fichier. Un tel système fait obstacle au droit à l’oubli et peut causer des préjudices graves aux personnes concernées voire faire obstacle aux tentatives de réinsertion de certains délinquants.
Plusieurs comparaisons montrent qu’un déséquilibre s’instaure entre les facilités d’accès aux données jurisprudentielles offertes par l’Internet et les moyens traditionnels d’enregistrement et de publication des décisions de justice qui sont très encadrés. La collecte de données nominatives issues de la jurisprudence pénale peuvent conduire à la constitution de casiers judiciaires clandestins alors que le fichier national du casier judiciaire est l’un des plus protégé d’accès et est régulièrement mis à jour par l’effacement des condamnation anciennes. La publication de décisions de justices par voie de presse nécessitent normalement l’accord de la personne concernée sauf lorsqu’elles constituent une sanction complémentaires auquel cas elle ne peut être décidée que par un juge. La publication de données jurisprudentielles sur l’internet contournent toutes ces garanties et porte ainsi atteinte aux droits et libertés des personnes.
Dans une délibération du 29 novembre 2001, la CNIL a considéré qu’il était nécessaire d’envisager une anonymisation des données de jurisprudence accessibles gratuitement en ligne. Cela concernerait le nom et l’adresse des parties et des témoins. En revanche la Commission ne juge pas utile d’occulter l’identité des avocats et magistrats même si elle conçoit l’existence d’un risque de profilage individuel de ces professionnels. Enfin, elle ne se prononce pas non plus sur la protection des données relatives aux personnes morales qui ne sont pas protégées par la législation protectrice des données personnelles. Elle demande également que les éditeurs de CD-Rom et de banques de données jurisprudentielles payantes s’abstiennent à l’avenir de faire figurer les noms et adresse des parties et témoins sur les décisions enregistrées et respecte les articles 26 (droit d’opposition), 30 (interdiction de procéder au traitement automatisé s’informations nominatives concernant des infractions condamnations ou mesures de sûreté), 31 protection des données sensibles) et 36 (droit de rectification et d’effacement) de la loi du 6 janvier 1978.